LA JACHÈRE FLEURIE 

Isarielle 

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SACEM 20 août 2017

Oui, bon, je suis en travaux... enfin pas moi, mon appartement...

Qui vient de dire « Il serait peut-être temps de t’y mettre aussi, Isa... » ?

Dites donc, vous, oui, vous, le petit au dernier rang, venez par ici !

Vous me copierez 125 fois, pourquoi 125 ?... Parce que quand on aime, on ne compte pas, voilà ! N’aggravez pas votre cas !... Vous me copierez 150 fois « Silence ! Isa œuvre, pour les travaux, repassez plus tard ! » 150 fois... Retournez-vous asseoir !...

Et en souriant !

Inutile de me redemander en amie tant que ce ne sera pas fait...

Bon, où en étais-je ?... Ah oui ! Retranchée sur ma terrasse, entre le réfrigérateur et l’arrosoir, j’aperçois mes pieds en quasi-lévitation sur une jardinière de géraniums et au-delà de mes pieds, que j’ai fort beaux, je vois le monde et là, dans un jaillissement d’étincelles, les idées m’arrivent à 200 à l’heure (oui, bon, disons, 180...). Vite ! Il convient que je les note. Alors d’un geste et d’un seul, je saisis rocher et burin et je grave ces mots pour la postérité « Oui, je suis en jachère, et alors ?... ». Emportée par la ferveur, je grave-colle rapidement un deuxième « Et alors ?... », puis soudain, lâchant rocher et burin, m’emplissant les poumons du bon air du matin, les mains de chaque côté de mes côtes flottantes, le diaphragme béant, je projette en un souffle, à qui voudra l’entendre :

« Oui, je suis en jachère (1)
Mais moi j’ai la jachère
Altière et volontaire
Mais moi j’ai la jachère
Altière et solidaire...

Mesdames, rappelez-vous
La jachère n’est pas friche (2)
La jachère n’est pas friche...
Fichtre !


Alors, gambadez donc,
Virevoltez, sautillez,
Enivrez-vous de joie,
De rires et de gaieté.
Enivrez-vous, Mesdames,
Dans un ravissement
D’allégresse, de délice
Et de contentement.

Enivrez-vous, Mesdames,
Jouissez donc de la vie,
Chaque jour que Dieu fait.
Aimez-la tout entière
Avec délectation,
Soyez toujours ravies,
Pleines d’enchantement.


Humez, humez, Mesdames,
Et ce à pleins poumons,
Tous les jolis parfums
De la jachère fleurie !
Faites-en des bouquets
Tendres et lumineux
Ou bien sombres et ardents,
Comme vous le voudrez,
Et remplissez-vous l’âme
Des bien belles couleurs
De la jachère en fleur !

Vivez, Mesdames, vivez
Quoi qu’il advienne,
Vivez !
N’attendez pas, de grâce,
Qu’on vous y autorise !
La vie ne dure qu’un temps,
Languir n’est pas de mise.
La vie ne dure qu’un temps,
Languir n’est pas de mise... »

Émue par tous ces mots et par l’œuvre accomplie, trouvant bien inutile d’encore en rajouter, je jette un œil altier à mon échelle de corde et quitte le balcon, sereine et rassurée...

(1) Jachère : Terre non cultivée temporairement pour permettre la reconstitution de la fertilité du sol.
En savoir plus : Dictionnaire Larousse. 
(2) Friche : Terrain dépourvu de culture et abandonné.
En savoir plus : Dictionnaire Larousse.